Publié le avril 3, 2019

Le conflit du Bajo Aguán

Default Image
Photos: Red de Mujeres Campesinas del Valle del Aguán (Réseau des femmes paysannes de la Vallée du Aguán)

Le conflit environnemental dans la région de Bajo Aguan dure depuis de nombreuses années. Le Honduras est un pays riche en ressources naturelles, mais la plupart d’entre elles sont concentrées dans les mains de 3 propriétaires terriens puissants, les familles paysannes vivant dans la pauvreté, sans terre, ni travail, ni aliments.

Au problème de la propriété de la terre s’ajoutent les concessions minières que le gouvernement a commencé à accorder à plusieurs entrepreneurs de l’élite hondurienne à partir de l’année 2009, au moment du coup d’État.

La violence forme partie de ce conflit, compte tenu du contexte social et politique du Honduras, qui est considéré comme l’un des pays les plus violents au monde.

Selon le rapport «Honduras Elites and Organized Crime: Introduction» créé par l’organisation Insight Crime, cette violence est exercée par des organisations criminelles transnationales, des groupes locaux qui se consacrent au trafic de drogue, des forces de sécurité corrompues, des dirigeants politiques, tous en étroite relation avec les élites du pays.

Un réseau de collaboration existe entre tous ces acteurs, qui permet à chacun d’entre eux de conserver son pouvoir économique, politique et territorial, collaboration qui fait qu’ils en sortent toujours gagnants et le peuple systématiquement perdant.

C’est cette même collaboration entre eux qui a fait en sorte que les ressources naturelles de Bajo Aguan soient concentrées dans les mains d’un nombre limité de personnes, qui se servent de leur influence et de leur pouvoir pour priver les familles paysannes de leur terre, dans la plupart des cas par l’intermédiaire de l’intimidation et la violence.

Les mines, encore un autre problème

Les entreprises minières engendrent de nombreux problèmes, dont la division de la population, une tactique à laquelle ont eu recours les propriétaires des mines pour gagner de l’appui parmi les populations locales qui défendent les intérêts de l’entreprise, ce qui engendre plus de violence et des affrontements entre les groupes qui sont en faveur et ceux qui sont contre les activités extractives : menaces de mort, persécution judiciaire ou crime organisé par la mine même.

« Les projets miniers concernent l’ensemble de la société. Ils touchent les zones qui sont propres à l’agriculture, détruisent la couche fertile de la terre, ce qui provoque une pénurie de graines et une crise alimentaire pour les habitants de la région concernée. Ces activités entraînent des épidémies, la militarisation, le crime organisé et l’implantation de mafias », explique Consuelo Castillo, membre de le Red de Mujeres Campesinas del Valle del Aguán (Réseau des femmes paysannes de la Vallée du Aguán).

Les femmes sont particulièrement touchées par l’installation de projets miniers car elles perdent leurs terres et leurs possibilités d’emploi, ce qui entraîne d’autres problèmes tels que les migrations forcées à la recherche de nouveaux moyens de subsistance ailleurs.

Elles se voient également frappées car leur accès à l’eau est limité, l’environnement est pollué, les droits des femmes et des enfants sont violés, des épidémies se déclarent à cause des produits chimiques cancérigènes utilisés dans les mines, et autres problèmes de santé.

Les femmes dans la ligne de tir

Photos: Red de Mujeres Campesinas del Valle del Aguán (Réseau des femmes paysannes de la Vallée du Aguán)

Le Red de Mujeres Campesinas del Valle del Aguán se charge de l’organisation des femmes défenseures des droits humains et des droits de la terre. Elles enregistrent toutes les agressions dont sont victimes les défenseures pendant leurs activités, accompagnent les victimes des entreprises minières, et assurent le suivi des plaintes. De plus, elle se chargent de la formation et orientation des femmes paysannes en ce qui concerne les conséquences des industries extractives, au moyen de visites et de rencontres de femmes.

« Nous nous organisons en tant que femmes dans les communautés paysannes, organisons des manifestations face aux institutions de l’État qui devraient mettre en œuvre des solutions au conflit. Sommets, réunions sur le thème de l’eau, conférences de presse. Dénonciations publiques sur le plan local et international, mobilisations de femmes visant à exiger l’annulation des décrets de loi facilitant la destruction de notre planète », explique Consuelo.

Leur lutte n’est pas passée inaperçue, et elles ont fait l’objet de menaces de mort, d’intimidations, d’agressions verbales, de diffamation et de campagnes de dénigrement, de procès judiciaires, de stigmatisation et de pertes de biens. En certains cas, cette situation a provoqué le déplacement forcé des défenseures en raison de l’insécurité.

Dans le contexte hondurien, où la persécution et le harcèlement des défenseurs des droits humains par les groupes de pouvoir sont monnaie courante, où toute voix dissidente perçue comme une menace pour leurs intérêts est réduite au silence, les risques encourus par les femmes défenseures de l’environnement sont importants. Cependant, ces femmes ne sont pas seules car elles sont appuyées par un réseau d’organisations qui font résonner leurs voix en renforcent leur protection.

Malgré les obstacles, elles ne perdent pas l’espoir que leurs voix soient entendues, afin de pouvoir construire un monde meilleur pour tous et toutes, car elles savent que leur lutte est une lutte pour la vie.

« Lutter pour les biens communs, c’est lutter pour la vie de tous et toutes, la défense des rivières est essentielle pour préserver l’eau sans pollution, afin de garantir la vie dans un environnement sain pour toutes les vies de l’univers », déclare Consuelo.

Photos: Red de Mujeres Campesinas del Valle del Aguán (Réseau des femmes paysannes de la Vallée du Aguán)