Publié le avril 24, 2019

Défendre les droits de la Terre Mère en Bolivie

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Photos: RENAMAT

En Bolivie, la Terre mère est considérée par les communautés autochtones comme un être vivant qui possède des droits. Cette vision ancestrale a fait en sorte que, de génération en génération, les familles autochtones transmettent des terres fertiles, un foyer et un avenir à leur descendance. Cependant, cette forme de vie a été brutalement interrompue par l’industrie extractive et les concessions minières que le gouvernement actuel en Bolivie accorde à des entreprises étrangères, qui détruisent les terres sacrées de ces communautés.

Margarita Aquino est la coordonnatrice du Red Nacional de Mujeres en Defensa de la Madre Tierra (Réseau national des femmes pour la défense de la Terre – RENAMAT) en Bolivie, réseau qui rassemble des femmes autochtones et paysannes de communautés touchées par les activités minières et dont les territoires ont été détruits à cause de la pollution.

« Nous nous comparons à elle, parce que la Terre Mère nous donne des fruits et nous donnons la vie, nous vivons en elle. Les lois de notre gouvernement sont en violation des droits de la terre mère, et elle n’a pas de voix ; c’est pour cela que nous avons pris les devants en défense de la terre, en particulier de l’eau », explique Margarita.

Le RENAMAT a été créé en 2013 par des femmes qui participaient à une formation pilote portant sur les conflits liés à l’environnement et de justice entre les sexes, organisé par le Colectivo Casa. « Fin 2013, les femmes ont décidé de se rassembler en réseau et ont formé le RENAMAT, car elles se sentaient soutenues et unies dans le même combat », dit Angela Cuenca, coordinatrice du Colectivo Casa.

Violence environnementale faite aux femmes

Source: RENAMAT

« Nous avons identifié ce type de violence qui est exercée contre les femmes autochtones comme une violence environnementale, car nous avons constaté la violation du premier droit contemplé dans notre constitution : le droit à la vie », déclare Margarita.

La violence environnementale faite aux femmes est un terme créé par les femmes du RENAMAT qui se définit comme suit : « Toute action ou omission perpétrée par une personne et qui, par les dommages causés à l’environnement, empêche ou restreint les droits des femmes, et porte atteinte à sa qualité de vie, son intégrité, sa santé, son économie, son travail, son patrimoine, son identité culturelle ».

Le RENAMAT a mis au point des fiches de diffusion et travaille avec les femmes autochtones de différentes communautés sur la formation relative à la violence environnementale et autres droits.

Les fiches expliquent la nature de ce type de violence et comment il est possible de l’identifier. De plus, elles expliquent quels sont les droits des femmes selon la Constitution politique de la Bolivie, et quels sont les droits spécifiques des femmes autochtones.

Selon ces fiches, « renier les droits des femmes constitue également une forme de violence, car tous les droits sont reliés pour garantir le droit principal, le droit à la vie ». Leur nier, par exemple, leur droit à l’eau, au travail, équivaut à nier le droit à l’alimentation et à la sécurité alimentaire.

Source: RENAMAT

Les fiches sont illustrées, les dessins représentant les situations vécues par les femmes autochtones lorsque des projets miniers s’installent sur leurs territoires. « Nous avons créé ces fiches parce que bon nombre de nos sœurs ne savent ni lire ni écrire, alors que les dessins attirent leur attention et se fixent dans leur mémoire. C’est pour cette raison que nous utilisons ces fiches dans toutes les communautés, pour montrer notre travail, et expliquer la violation de nos droits », continue Margarita.

« Pendant les séminaires, nous leur demandons de dessiner leur terre, de nous montrer où se trouvaient les sources, et nos sœurs qui ne savaient ni lire ni écrire accomplissent de grands efforts et le mettent noir sur blanc, leur terrain tel qu’il était auparavant et notre terrain aujourd’hui », explique-t-elle.

RENAMAT rend visite à de nombreuses communautés autochtones qui n’ont pas encore été touchées par des entreprises minières. Au moyen d’ateliers, de conférences, projections de vidéos et autres activités, elles racontent l’expérience des femmes qui ont perdu leur territoire et leurs sources d’eau à cause de la pollution, pour que les femmes deviennent autonomes et rejoignent la cause de la défense de la terre mère.

Une lutte qui nous appartient à toutes

Photos: RENAMAT

Le chemin n’a pas été facile. Leur travail a été contesté par différentes autorités, elles ont fait l’objet de déclarations diffamatoires et il a été dit qu’elles « sont payées ». À cela s’ajoute une nouvelle loi minière qui est promue par le gouvernement actuel, qui supprime le processus de consultation et information des communautés en ce qui concerne les projets miniers.

Margarita fait part de sa déception : elles pensaient qu’un président d’origine autochtone allait se soucier de ses frères et sœurs. « Nos leaders politiques sont capitalistes et favorables aux activités extractives, ils pensent au présent, ils ne pensent pas à l’avenir, comme nous. Nous, nous pensons à ce que nous allons laisser à nos enfants, à nos petits-enfants, des terres dévastées, arides. »

Malgré les obstacles, le RENAMAT poursuit son travail en défense de la terre, et invite des femmes du monde entier à se joindre à sa lutte, qui est notre lutte à toutes. « Nous tissons nos réseaux de solidarité et d’action pour la défense de notre terre. Les femmes d’Amérique latine doivent être fortes dans leur lutte contre les violations de leurs droits par les activités minières. Qu’elles ne se sentent pas seules, le RENAMAT les soutient pour qu’elles ne cessent de défendre les droits de la terre et de l’eau », indique Margarita.