Publié le avril 24, 2019

Les femmes d’Aroroy se battent pour être entendues

Default Image
Photos: M. Verano

Pour les habitants d’Aroroy, situé dans la province de Masbate à 350 km au sud-est de Manille, le fait de « vivre dans un pot en or » est loin d’être une bénédiction. La richesse en minéraux de la région n’a pas entraîné une amélioration des conditions de vie des communautés, qui se placent constamment parmi les plus pauvres du pays.

La Filminera Resources Corporation est une mine à ciel ouvert qui occupe 10 807 hectares dans la région. Les personnes qui habitent à quelques mètres de là, dans les zones résidentielles et les écoles, sont infectées de différentes maladies. Les communautés directement concernées sont habitées d’agriculteurs, d’ouvriers pisciculteurs, de pêcheurs, de résidents et d’écoles dans 15 Barangays (villages), ce qui représente une population totale de plus de 25 000 personnes.

« Dans les communautés, la mortalité a augmenté particulièrement dans 8 des Barangays concernés. Les Barangays proches de la mine sont aussi affectées indirectements.  Avant que la mine Filminera ne s’installe, moins de 1 % de la population souffait de tuberculose. Depuis le début des opérations de la mine en 2008, la mortalité n’a fait qu’augmenter tous les ans.  Nous soupçonnons que les causes de la maladie sont liées à la poussière du métal », dit Mme Marilou Verano, une des femmes dirigeantes d’Aroroy.

Mme Verano raconte qu’elle a envoyé une lettre au Ministère de la Santé en 2012, en leur demandant de procéder à une évaluation de santé et à une évaluation sanitaire et environnementale, sans obtenir de réponse. Les villageois souffrent également de maladies des poumons et de la peau, de dysenterie, diarrhée, vomissements et autres maladies liées au manque d’eau potable.

La Filminera Resources Corporation/Masbate Gold Project/B2Gold (compagnie canadienne), précédemment AIG (compagnie australienne), est implantéedans la région et possède un Certificat de conformité environnementale qui avait été accordé le 29 juin 1998 à l’entreprise Base Metals Minerals Resources Corporation, qui limitait la zone de l’activité minière à 443 hectares.

Aujourd’hui, la Filminera s’étend au-delà de la superficie qui avait été définie à l’origine par le Certificat, ce qui affecte directement les plans d’eau qui sont contaminés par les activités de la mine, explique Mme Verano. Les rivières et le port constituent les moyens de substistance de nombreuses familles dans les villages voisins.

« Filminera s’est appropriée les sources des rivières Bangon, Guinobatan et Panique pour son exploitation minière et plus particulièrement pour son usine de transformation de l’or, qui nécessite une grande quantité d’eau pour son fonctionnement. Ceci touche directement les agriculteurs et pêcheurs de la région, ainsi que les forêts, alors que les ports et les ressources en eau ont été pollués.

Organisation d’un avenir meilleur

Photos: M. Verano

Mme Marissa Ledesma, mère de deux enfants, ramassait des coquillages à Port Barrera, ce qui représentait des recettes de 600 à 800 pesos (environ 11 à 15 dollars américains) par jour. À la suite de la contamination de l’eau, les coquillages ont commencé à disparaître, et les femmes comme Marissa ont perdu leur moyen de subsistance.  Marissa et d’autres femmes sont parties à Manille et Cebu pour travailler comme femmes de ménage et gagner leur vie, en laissant leurs enfants à Aroroy.

Aujourd’hui, près de 300 femmes des è Barangays les plus touchés par les activités minières de Filminera se sont organisées et ont constitué la Coopérative des femmes productrices Marian. La première tentative d’établir une coopérative multifonctionnelle a échoué lorsque Filminera s’est emparée de 14 hectares de terrain utilisé par la coopérative pour construire des bacs de décantation de résidus. Filminera a forcé les propriétaires à vendre en agissant en justice pour l’expropriation administrative, affaires qui ont été réglées en dehors de l’application régulière de la loi, explique Mme Verano.

Les femmes de la coopérative sont sur le point de finaliser une nouvelle proposition de projet visant le reboisement et la réhabilitation de 3 hectares de mangroves à Port Barrera. Mme Verano dit espérer que « cela va avoir des effets important sur notre plaidoyer, pour que le Gouvernement des Philippines soit mis au courant de la situation de Port Barrera et de la communauté, afin de prendre des mesures pour fermer l’exploitation minière de Filminera, tout en espérant également que ceci soulagera les difficultés financières de ses membres ». La coopérative est à la recherche d’un financement permettant d’établir une boulangerie et autres sources alternatives durables de revenus.

« Pour nous, l’autonomisation des femmes est très importante. Depuis le début de notre campagne de plaidoyer, les femmes y ont participé activement.  Notre but est de préserver l’écosystème d’Aroroy et de nous battre pour faire fermer Filminera. Nous combattons pour la survie de notre famille et l’avenir de nos enfants », souligne Mme Verano.

Cependant, Mme Verano s’inquiète : « la situation sur le terrain se détériore pour les femmes défenseures de l’environnement, certaines ont été menacées de mort. Le Gouvernement devrait prendre au sérieux ses obligations et responsabilités en matière de droits humains ».

« Nous exhortons le Gouvernement des Philippines à prendre des mesures urgentes pour que des recours efficaces puissent être pris.  En tant qu’autorité responsable, le Gouvernement des Philippines se doit de respecter, protéger et réaliser tous les droits et besoins urgents, et d’écouter la voix des femmes des communautés frappées par les mines.  L’exercice légitime de ces droits humains ne doit pas conduire à la criminalisation, l’intimidation ou même l’assassinat des femmes titulaires de ces droits », ajoute Mme Verano.