Les graines du changement : Comment les femmes du village de Mukonka revitalisent leur écologie : une graine à la fois


Pour faire court :

Dans le district de Rufunsa, en Zambie, le village de Mukonka, riche en ressources naturelles et en biodiversité, est confronté à une grave dégradation de l’environnement due à l’exploitation forestière illégale et à la production de charbon de bois, qui entraîne la disparition des cours d’eau, des forêts et des sources d’alimentation traditionnelles.  Les femmes de Mukonka, ancrées dans les principes de l’écoféminisme, ont renversé la tendance en faisant revivre les semences indigènes. Grâce à des actions de sensibilisation, elles ont obtenu des droits fonciers et interdit l’exploitation forestière illégale, ce qui a permis de restaurer progressivement l’écosystème. Leur histoire met en évidence la nécessité de réorienter le financement de la lutte contre le changement climatique vers les actions menées par les femmes autochtones en faveur de l’atténuation du changement climatique et de l’adaptation à ses effets. 

Fausse solution affectant la communauté

Dans le district de Rufunsa en Zambie, les premières exploitations forestières illégales, en 2008, ont marqué le début d’une catastrophe écologique pour la communauté Mukonka, originaire de ce lieu. Cette région autrefois généreuse, connue pour ses cours d’eau pérennes et ses forêts luxuriantes, s’est vu radicalement transformée par des pratiques non durables. L’abattage aveugle des arbres, notamment du Mukula, une espèce convoitée pour son utilisation dans la fabrication de meubles de luxe, principalement en Chine, a déclenché une dégradation en chaîne de l’environnement.

Avant cette crise, Mukonka était un sanctuaire naturel.  Les collines étaient ornées de grands arbres indigènes, dont le précieux Mukula et le fructueux Masuku, entourés de fermes riches en mangues.  La communauté a prospéré grâce à la vente de ces fruits dans la capitale, Lusaka, surtout au début de la saison. Ce commerce n’était pas seulement une activité économique. C’était également un moyen de subsistance pour les ménages et les activités agricoles. En outre, ces fruits constituaient un complément essentiel au régime alimentaire de la communauté, en particulier pendant la saison des pluies, lorsque la pénurie alimentaire était fréquente dans les zones rurales.

Cependant, le paysage a commencé à changer radicalement avec l’extraction illicite d’arbres Mukula en 2008. Bien que certaines de ces activités soient illégales, le gouvernement a également délivré des licences d’exploitation forestière, créant ainsi un scénario complexe d’exploitation sanctionnée et non sanctionnée.  Par la suite, cette extraction a été alimentée par le commerce de charbon de bois du district, qui répond aux besoins énergétiques des citadins déconnectés du réseau électrique ou n’ayant pas les moyens de s’en procurer.

L’impact environnemental de ces activités a été dévastateur et rapide. En 2010, les cours d’eau pérennes tels que le Chakenga, essentiels à l’approvisionnement en eau et à l’agriculture de la communauté, se sont asséchés avant même le début de la saison des pluies.  La perte de ces sources d’eau a entraîné un déclin des cultures de légumes et de bananes le long des berges, appauvrissant davantage la communauté.  Cette tendance est devenue un problème commun à toute la région, exacerbant la pénurie d’eau et entraînant une diminution des précipitations, plus de sécheresses et des saisons des pluies imprévisibles. En conséquence, les rendements agricoles ont chuté, les denrées de base telles que les haricots, le maïs et les arachides subissant de graves pertes. 

Le désespoir économique provoqué par ces changements environnementaux a poussé de nombreux membres de la communauté à s’engager dans les activités mêmes qui détruisaient leurs terres.  L’abattage d’arbres pour la production de charbon de bois est devenu une solution de dernier recours pour gagner de l’argent, ce qui a contribué à l’appauvrissement de la forêt et a même eu un impact sur les arbres Masuku, source de nourriture essentielle. 

Solutions climatiques équitables en matière de genre 

En réponse à cette dévastation, les femmes du village de Mukonka ont été les pionnières d’une solution climatique équitable en matière de genre. Elles ont adopté une approche éco-féministe de l’agroécologie transmise par des générations de savoirs autochtone, à savoir : le pouvoir des semences indigènes. Connues pour leur résilience aux changements climatiques, ces semences sont capables de prospérer même dans les environnements les plus difficiles. Elles sont vivaces, résistantes à la sécheresse et s’adaptent bien aux conditions locales. En cultivant ces semences, les femmes de Mukonka ne se contentent pas de préserver leur riche biodiversité, elles trouvent également une source de revenus durable en harmonie avec leur environnement. 

Une part importante de ce parcours transformateur consiste à créer des banques de semences communautaires et à organiser des programmes annuels d’échange de semences. Ces initiatives renforcent l’autonomie agricole de la communauté et jouent un rôle crucial dans la préservation d’une gamme variée d’espèces végétales indigènes.  Les femmes s’engagent aussi activement dans des actions de plaidoyer, sensibilisant les autorités traditionnelles et gouvernementales à l’importance de reconnaître le rôle et les droits des femmes dans la sélection des semences et l’utilisation des terres.  Ce plaidoyer, en collaboration avec les efforts collectifs plus larges des militants, des communautés autochtones et d’autres groupes environnementaux, a contribué à des changements politiques significatifs. Parmi ceux-ci figure la décision du gouvernement d’interdire l’exploitation forestière illégale. Il s’agit d’une une victoire importante pour la communauté et la justice environnementale.

En outre, la communauté a adopté et mis en œuvre un projet d’énergie solaire pour favoriser la croissance de ces semences résistantes.  Cette initiative vise à récupérer les semences perdues à la suite de chocs climatiques, symbolisant la fusion des connaissances traditionnelles et des solutions contemporaines pour créer un système agricole plus résilient. 

Appel à l’action

Notre combat est loin d’être terminé. Le financement climatique, en particulier les fonds soutenant les solutions climatiques autochtones et équitables en matière de genre, est la bouée de sauvetage des mouvements communautaires comme le nôtre. Nos solutions, profondément enracinées dans les connaissances traditionnelles et le respect de la terre, représentent l’avenir.  Nous appelons les gouvernements à détourner les ressources des fausses solutions et à les rediriger vers de vraies solutions qui soient équitables en matière de genre et qui viennent des communautés, comme celles éprouvées par les femmes et les filles du village de Mukonka.

– Women Environs in Zambia

Dans le cas du village de Mukonka, le pouvoir de transformation du financement climatique devient évident en permettant aux mouvements communautaires de lutter contre la dégradation de l’environnement et de renforcer la sécurité alimentaire grâce à des pratiques durables. L’adoption de méthodes agroécologiques, telles que l’utilisation de semences indigènes et l’intégration de l’agriculture solaire, a été rendue possible grâce à un soutien financier stratégique.  Ce financement a permis non seulement de créer et de développer des banques de semences communautaires, mais aussi de faciliter le développement de solutions d’énergie renouvelable pour l’agriculture.  En outre, il a soutenu des efforts essentiels de plaidoyer et de sensibilisation. Dans le village Mukonka, les femmes, qui sont traditionnellement les gardiennes de la sagesse et des pratiques agricoles, sont à l’avant-garde de ces initiatives.  En orientant les ressources financières vers des solutions climatiques équitables en matière de genre et dirigées par des femmes, on peut non seulement relever les défis immédiats en matière d’écologie et de sécurité alimentaire, mais aussi garantir la participation et le leadership de celles-ci dans les processus décisionnels. Il s’agit d’une étape essentielle pour garantir la justice en matière de genre, de climat et d’environnement.

Qui soutient cette solution climatique équitable en matière de genre ? 

Women Environs in Zambia (WEZ) collabore étroitement avec les leaders et les chefs communautaires de Mukonka, en travaillant sur des initiatives de plaidoyer pour l’autonomisation des femmes au niveau local. L’organisation défend la cause des femmes qui possèdent des terres et facilite ce processus grâce à des projets tels que celui de multiplication des semences indigènes.  WEZ est financé par le Global Greengrants Fund, un allié stratégique de GAGGA, ainsi que Mama Cash, membre de l’alliance GAGGA.

Il s’agit d’une histoire parmi tant d’autres du réseau de la Global Alliance for Green and Gender Action (GAGGA), où les femmes, les filles, les personnes trans, intersexes et non binaires des communautés locales et autochtones sont en première ligne dans la lutte pour la justice climatique et environnementale contre les fausses solutions climatiques.  Il est temps de financer les solutions climatiques transformatrices mises en œuvre par les femmes, les filles, les personnes intersexes, non binaires et trans, puis de mettre un terme aux investissements dans de fausses solutions climatiques. Engagez-vous à soutenir les droits de l’homme et à investir dans le leadership des femmes pour des solutions climatiques équitables en matière de genre !

GAGGA will be present at CSW68, from March 11 to 22, 2024. For any collaboration possibilities and to learn more, please contact Noemi Grütter, co-coordinator and head of advocacy and collaborations of GAGGA: n.grutter@fondocentroamericano.org . To learn more about this article and the work of Women Environs Zambia, contact Susan Chilala, WEZ Coordinator at: susanchilala@yahoo.com or womenenvirons@gmail.com .

Cet article et les actions de GAGGA dans le cadre de la CSW68 sont soutenus par Affaires mondiales Canada et le ministère néerlandais des Affaires étrangères. Leurs contributions ont été déterminantes dans les efforts de GAGGA pour mettre en lumière les questions et les voix critiques lors de la CSW68.


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