« Ils sont en train de tuer la rivière » : Les femmes Q’eqchi’ défendent le Cahabón sacré


Deux rivières se croisent dans la municipalité de Santa María Cahabón au Guatemala, territoire ancestral des peuples Q’eqchi’. Pour les communautés Q’eqchi’, ces rivières sont considérées comme sacrées et représentent le « sang de la terre ». L’eau de la rivière Cahabón, l’une des principales rivières du Guatemala qui traverse le département d’Alta Verapaz, la petite rivière Oxec et des dizaines de ruisseaux sont la principale source d’eau pour 195 communautés

En 2015, les communautés Q’eqchi’ ont observé des machines et des constructions sur la rivière Oxec et dans le lit de la rivière Cahabón. Elles ont rapidement découvert que le ministère de l’Énergie et des Mines avait accordé un permis de construction à la société Oxec S.A. pour construire un projet hydroélectrique sur les terres ancestrales des Q’eqchi, sans consultation ni consentement des communautés, et en violation de la ILO Convention 169 (Convention 169 de l’OIT (Organisation internationale du travail)), qui protège les droits humains des peuples autochtones.

En réponse, les femmes Q’eqchi’ et leurs communautés ont demandé que les licences de l’entreprise soient révoquées. Bernardo Caal Xol, le représentant délégué par 56 communautés à l’Assemblée communautaire du peuple Q’eqchi’ de Cahabón, a intenté des actions en justice contre les acteurs suivants :

  • Le ministre de l’Énergie et des Mines pour avoir violé le droit à l’information et à la consultation du peuple Q’eqchi’ lors de l’octroi de permis environnementaux et de la concession de la rivière Cahabón aux projets Oxec I et Oxec II.
  • Le ministère public pour la commission de l’exploitation sans licence par OXEC S.A. de 15 hectares de forêt naturelle et la destruction des collines sacrées du peuple Q’eqchi pour la construction des centrales hydroélectriques Oxec I et Oxec II.
  • Le ministère public et le bureau de contrôle des zones de réserve de l’État pour l’appropriation illégale d’une prétendue friche nationale et la privation de l’accès à l’eau pour les Autochtones locaux Q’eqchi’.

Début 2017, la Cour suprême et la Cour constitutionnelle ont statué en faveur des communautés, reconnaissant qu’il n’y avait pas eu de processus de consultation, mais ont tout de même autorisé l’entreprise à poursuivre ses activités.

Quelques mois plus tard, le peuple Q’eqchi’ de Santa María Cahabón a réalisé une consultation communautaire au cours de laquelle, sur 26 554 personnes issues de 139 communautés, 26 537 ont exprimé un NON catégorique à l’installation de projets hydroélectriques.

Après que le peuple Q’eqchi’ a entrepris ces actions, ses dirigeants ont subi de plus en plus de menaces, de persécutions et de criminalisation. En conséquence, le leader de la communauté Bernardo Caal a été condamné à tort à sept ans et quatre mois de prison pour les crimes présumés de détention illégale et de vol aggravé. Il est en prison depuis janvier 2018.

Depuis lors, les femmes Q’eqchi’ ont été à l’avant-garde de la Résistance du Río Cahabón et continuent la lutte pour la défense de leur rivière et de leur territoire, en particulier les filles de Bernardo Caal. Elles ont participé à des manifestations pacifiques, exigé la libération de Bernardo Caal, influencé la prise de décision dans leurs postes élus au sein du gouvernement local, et demandé la fin de la criminalisation et de la persécution des peuples qui veulent défendre leurs territoires.

L’entreprise Oxec S.A. avait promis d’apporter des infrastructures, un soutien économique et des emplois. Au lieu de cela, la communauté affirme qu’elle est en train de tuer la rivière ». Aujourd’hui, elle est menacée par sept projets hydroélectriques qui ont déjà détruit des hectares de forêts primaires et de collines sacrées pour les Q’eqchi’.

La présence des projets hydroélectriques Oxec I et Oxec II a entraîné des sécheresses, contaminé l’eau, privé de nombreuses communautés d’accès à l’eau, tué des espèces aquatiques et détourné le lit de la rivière. Les communautés ne reçoivent même pas d’électricité – Alta Verapaz est le département du Guatemala qui compte le plus de centrales hydroélectriques, mais c’est aussi celui où le plus grand nombre d’habitants (plus de 60%) n’ont pas l’électricité.

Par ailleurs, les pluies des ouragans Iota et Eta ont dépassé les limites de capacité des réservoirs hydroélectriques, mettant en danger les populations et la biodiversité avec des décharges forcées. Dans le futur, le changement climatique ne fera qu’accroître ce type d’événements, mais malgré ces défis, les femmes Q’eqchi’ et leurs communautés continueront à résister et à se battre pour leur rivière sacrée.

 

La Resistencia de Santa María Cahabón est soutenue par Madre Selva qui est un partenaire de la GAGGA.

Illustration par @Naandeye.


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